21 au 23 mai : Ciel gris au-dessus de la Chesapeake et du Potomac
21 mai : Portsmount – Deltaville (Baie de Chesapeake)
On se réveille avec le soleil. Le vent est léger. Ce n’est pas ce que l’on annonce pourtant. Les prochains jours risquent d’être pluvieux. Partons-nous tout de suite pendant que le soleil est là?!
On démarre le moteur et on se décolle du quai. J’ai deux heures environ pour tout ranger dans le bateau, car on sait qu’on aura surement les vagues de travers dans la baie de Chesapeake. Si jamais les vents sont trop forts, on arrêtera toutefois au Fort Monroe, à la sortie de Norfolk.
Les navires de guerre sont partout. Ils sont fascinants, imposants.
Comme prévu, on se fait brasser à notre arrivée dans la baie de Chesapeake. Les vents d’Est annoncés sont plutôt Nord-Est. Les filles ne se sentent pas très bien, on paie une tournée de gravol à tout le monde! Une fois notre cap pris et les voiles sorties, ça devient plus confortable. On doit quand même combiner voile et moteur, car par moment le vent revient au nord et ne nous permet plus d’avancer. On pense au lac Champlain et à ces journées à faire des virements de bord. On aimerait avoir le temps de faire des zigzags, mais ce n’est pas le cas. Il y a peu d’ancrage au sud de la baie de Chesapeake, à moins de faire 5-10 milles pour entrer dans une rivière. Il faut donc avancer le plus possible.
La journée est longue, on gèle! Eric et moi on s’alterne à la barre pour pouvoir aller se réchauffer à l’intérieur. À17h, on jette l’ancre près de Deltaville et on se prépare un petit souper, bien au chaud dans Perla. On est épuisé comme jamais. Faire de longues navigations avec la chaleur est une chose, avec le froid s’en est toute une autre.
22 mai : Deltaville – Potomac View
Lundi, on annonce des pluies torrentielles, mais en regardant les graphiques, notre navigation va peut-être profiter de petits trous dans le couvert nuageux… On le sait, il fait toujours beau en haut de notre tête. Eh bien, cette fois-ci, on se croise les doigts. Heureusement, dans cette section de la baie, les ancrages sont plus nombreux. Nous avons des plans B, si jamais il pleut trop fort.
Le départ est prévu à 5 h 30. On espère profiter du courant et de quelques heures sans pluie.
On sort les imperméables, pantalons de pluie et les bottes. On est prêt à partir. La grisaille nous enveloppe. On se croirait dans un cocon.
La Chesapeake est plus douce que la veille. On avance à moteur, mais on avance vite, car on a le courant avec nous. Puisque les vents sont nuls, il fait moins froid que hier. 25 milles plus tard, on fait notre entrée dans le Potomac et le courant est encore avec nous.
On reçoit quelques gouttes de pluie durant la journée, mais à peine. Le brouillard est le plus impressionnant. Nous en avons souvent entendu parler et nous en avons vu à l’occasion, mais cette fois-ci, nous en sommes entourés. Nous avons tout de même une visibilité d’un demi-mille, mais va-t-elle demeurer? Je regarde tout autour de moi. La côte n’est pas très loin. Une bouée apparaitra bientôt à l’avant. Mais partout, il n'y a que du gris et du gris. On distingue l’eau devant le bateau, mais plus notre regarde s’éloigne, plus il est impossible de distinguer quoi que ce soit. On n’aura pas acheté un radar pour rien! C’est la première fois du voyage qu’il nous est utile. En fait, il est surtout rassurant. Nous ne croisons aucun bateau durant toute cette longue journée.
On réussit à faire 70 milles en une journée et on jette l’ancre à travers les crab pot à Potomac View à 17 h.
Étonnamment, le soleil vient nous saluer. On peut souper à l’extérieur et on a droit au plus beau coucher du soleil depuis le début du voyage. À travers notre fatigue et notre drôle d’état dans ces longues journées grises, la vie nous offre encore un beau cadeau. On n’a jamais rien vu de tel. Tout le ciel devient rouge, rose, l’eau aussi. Malgré le fait que les Bahamas soient déjà loin derrière nous, on est conscient qu'on ne reverra rien de tel avant un moment, la vie nous montre que les merveilles sont partout. Même de l’eau brune peut se transformer et devenir rose pour nous émerveiller.
Merci la vie.
23 mai : Potomac View - Washington
Je me répète : 7 h, l’ancre est levée. Nous avançons lentement dans le Potomac, cette longue rivière qui mène à Washington. Plusieurs nous l’on dit : « Si vous voulez visiter Washington, prenez l’autobus à partir d’Annapolis ou de Baltimore. Encore mieux, revenez chez vous, reposez-vous et prenez l’autobus. 12 heures plus tard, vous serez à Washington. » C’est ça la logique. Mais nous, parfois, on aime bien faire des choses illogiques.
Toutefois, on est fatigué. Les longues navigations, le temps gris et le froid nous rentrent dedans! En plus, ce matin, on navigue contre le courant. Le temps est long. On fait l’école, on cuisine. Les minutes qui passent habituellement si vite prennent une éternité.
Alors, pourquoi aller à Washington en voilier? Parce qu'on souhaite profiter de cette ville durant plus d’une journée. Nous n’avons pas envie de courir à gauche et à droite pour tout voir rapidement, nous voulons profiter de l’endroit lentement. Le fait d’être ancré directement à Washington nous offre le luxe de rester le nombre de journées que l’on veut et de les structurer comme bon nous semble. Bien sûr, pendant que je suis à la barre, que j’ai froid, que je suis tannée, je trouve que le prix est chèrement payé et je me demande si ça en vaut la peine. Durant ces longues journées, on a le temps de remettre bien des choses en question!
On approche enfin. Au loin, on aperçoit le célèbre obélisque, le monument de Washington. On voudrait être excité, mais non. Le ciel gris, le monument gris, le Capitol blanc sur gris… Eric et moi, on se regarde. C’est beaucoup plus excitant d’arriver sur de l’eau bleue… et ça prend moins de temps traverser le Gulf Stream que de remonter le Potomac!
On s’ancre et on appelle pour s’assurer que le Harbor Patrol l’accepte. On est heureux d’être là, mais pour l’instant, on va rester bien au chaud à l’intérieur de Perla. La petite pluie ne nous incite pas du tout à aller fouler la terre ferme.
Nos amis de La Smala viennent nous voir! Ça fait 3 semaines que nous n’avons pas eu de discussion avec qui que ce soit… quelques échanges en anglais sur les quais… mais à peine. On passe une belle soirée à discuter avec eux. On adore ça être en famille, mais on adore ça aussi voir du monde! Ça fait du bien! On aurait tant aimé avoir une autre journée en leur compagnie, mais eux repartent le lendemain.
On se couche avec le bruit des hélicoptères et des avions, mais heureux d’être rendus ici!
Washington a une signification particulière pour moi. C’est ici, que je me suis dit pour la première fois, « il y a trop de belles choses à voir sur la planète, je dois absolument faire au minimum un voyage par année et même, pourquoi ne pas voyager durant une année complète?! » J’avais alors 15 ans. Mon prof d’anglais avait mentionné à la fin de son cours qu’il restait quelques places pour un voyage scolaire prévu pour la fin de semaine. J’avais lancé à mon amie Annie, par la fenêtre de l’autobus : On va à Washington en fin de semaine? Mes parents plutôt sévères m’avaient surpris en me disant oui sur le champ. Le vendredi soir, nous partions pour un 13 heures d’autobus. Évidemment, avec mon sommeil léger, je n’ai pas dormi de la nuit. Cela ne m’a pas empêché de m’émerveiller devant cette ville. Et c’est là que j’ai eu le déclic. La piqure. Bien sûr, en y repensant, ce sont mes parents qui avaient jeté la semence en nous faisant voyager chaque année au Québec, dans les provinces voisines, dans les pays chauds, en nous amenant même aux Grands Explorateurs une fois par mois (on trouvait ça tellement plate, mes sœurs et moi!). Il y avait surement quelque chose qui germait déjà en moi pour que ça soit si clair et limpide lors de ce premier voyage que je faisais sans ma famille.
Alors, c’est un peu symbolique pour moi que je revienne avec mon bateau m’ancrer ici. J’ai respecté mon souhait d’adolescence, malgré les études, le travail, les enfants.
J’ai envie de redécouvrir cette ville, cette fois-ci avec ma famille, lui dire merci d’avoir suscité en moi cette envie de découvrir le monde.
Cynthia
On croise des navires bien plus gros que nous à notre sortie de Norfolk. |
Gris devant... |
Gris derrière |
Mais des soeurs toujours colorées! |
Et un coucher de soleil à couper le souffle! |
Aucun filtre utilisé pour la photo. C'est vraiment ce que nos yeux voient! |
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