9 et 10 juin : Cape May – Sandy Hook : un dernier moment sur l’océan
Est-ce que je suis triste que mon père me demande au téléphone, en ce matin du 10 juin, alors que nous venons de nous ancrer à Sandy Hook? Triste, non. Est-ce que les larmes ont coulé durant cette dernière chevauchée de l’océan? Parfois. Il est difficile d’identifier le sentiment que l’on ressent Eric et moi après cette dernière sortie en mer. Émus, nostalgiques, heureux, fiers.
À Cape May, le 9 juin, debout à 5 heures du matin, les bateaux tout autour de nous se préparent à partir. Le ciel se couvre de rose, avant que les premiers rayons du soleil viennent nous réchauffer. La journée sera parfaite, je le sens, je le sais, je l’espère.
Après le déjeuner, on lève l’ancre et on part en direction du inlet. Ça brasse comme toujours, mais comme on est préparé psychologiquement, c’est toujours moins pire! La mer est belle, le ciel est bleu, enfin! Aucun nuage à l’horizon. Toutefois, le vent nous fait défaut. Nos voiles ballotent se demandant bien qu’elle est leur rôle. On s’en doutait, la mer est bien formée étant donné les vents des derniers jours. La houle est grosse, elle nous rappelle notre sortie en mer entre Eleuthera et les Abacos… notre pire sortie en mer! Mais, puisque la houle n’est pas de travers, ça devrait être plus supportable. Il est toutefois difficile de rester à l’intérieur du bateau.
Heureusement, le beau temps nous permet de tous être dans le cockpit. On chante, on joue aux dames, aux échecs. Même Charline, la plus sensible habituellement, prend la barre. Comme elle a cheminé notre petite Charline. « Oh… elle est vraiment grosse cette vague. » Elle la regarde, alors qu’avant elle aurait détourné le regard et qu’elle en aurait eu peur. Il faut le vivre pour bien le comprendre. L’océan est comme une plaine mouvante. Certains endroits se creusent, d’autres se gonflent. Parfois, on est dans un creux, parfois au sommet. L’eau bouge en douceur, mais tout est en mouvement constant. Tout comme notre estomac… Les filles s’amusent et ne se plaignent pas. On dirait que pour cette dernière sortie en mer, tous les éléments se placent. Daphné avait même préparé une liste de choses à faire pour ne pas me demander 50 fois : « Qu’est-ce que je peux faire? ». Bien sûr, le soleil fait toute la différence.
La journée se passe lentement, en espérant toujours pouvoir éteindre le moteur, mais non. Vers 16 h, la houle tourne à l’est, nous l’avons donc de travers… et ce qui devait arriver arriva! Alixia est malade! Pourtant ce n’est pas elle qui est fragile normalement. 3 fois, plutôt qu’une, pauvre Ali.
Heureusement, comme il l’était annoncé, quelques heures plus tard, la houle arrive du sud, donc de l’arrière, ce qui est beaucoup plus confortable. Un vent léger nous permet d’avancer à 3-4 nœuds. On éteint enfin le moteur. Comme ça fait du bien. Les filles écoutent un film pour faire passer le temps. Pour une dernière fois, pour ce voyage, on voit le soleil qui se couche sur l’océan. Quelques minutes plus tard, une lune toute rose se lève, la lune des fraises, parait-il. Une lune spéciale pour faire plaisir aux Perles de Perla et aussi pour souligner les 10 ans de Charline! Comme nous allons nous ennuyer de ces spectacles.
La nuit s’installe tranquillement.
Durant ces longues heures à la barre, on a le temps de réfléchir, de revivre notre année dans notre tête, de voir le chemin parcouru, de revivre certains moments, être surpris que certains souvenirs oubliés remontent à la surface. On se rappelle « avant » et les questions associées : pourquoi partir un an, pourquoi vouloir voyager sur un voilier alors qu’on n’a aucune expérience. Avec 4 enfants? Et l’école? En effet, pourquoi? À cette question, aucune réponse rationnelle. Un désir, simplement qui sommeille en moi depuis toujours, celui de partir en voyage pour au moins un an. Un désir pour Eric de partir sur un voilier. Puisque nous sommes un couple et que nous rêvons ensemble, nos rêves se sont combinés pour n’en faire qu’un : partir en voyage sur un voilier pour un an. Au-delà des questionnements, des apprentissages, des craintes, des peurs, nous avons conservé le cap. New York était la première étape à atteindre et voilà que nous y revenons remplis de gratitude envers la vie pour tout ce que nous avons vécu depuis que nous l’avons quitté en août dernier.
La nuit est parfaite, quoique froide. La lune est pleine, le vent se décide à souffler pour nous faire avancer à 5-6 nœuds. Je suis heureuse que mes filles aient envie de barrer durant un moment de la nuit. Elles ont compris. Parfois, ce qui est difficile et qui demande un effort nous fait vivre un moment unique qui n’est pas offert à tous.
Malgré la fatigue et le froid, elles barrent durant un moment avec Eric ou moi. Alixia, comme lors de la plupart des traversées, dort à l’extérieur. Charline sort de son chaud cocon à minuit pour venir passer une heure à la barre avec moi. Qu’y a t-il de si magique? Il ne se passe rien : le vent gonfle nos voiles, fait glisser Perla à 3-4 nœuds, parfois plus. C’est même un peu ennuyant. Mes yeux brûle tellement je suis fatiguée. Mais la magie se passe exactement lorsqu’il ne se passe rien. Dans ce vide total, nous comprenons que nous sommes privilégiés d’être dans cette immensité qu’est la mer, d’y flotter sur notre bateau, notre maison. La pleine lune nous éclaire, des nuages la recouvrent par moment, créant dans le ciel une toile magnifique. Le froid finit par traverser mes 4 épaisseurs. Je réveille Eric pour pouvoir aller me réchauffer et dormir aussi un peu.
Déjà 5 h. Le ciel orangé m’incite à sortir à l’extérieur. Ce dernier spectacle, on le partage seulement en amoureux. Pendant que nos 4 filles dorment, on se prend en photo avec notre dernier lever du soleil sur l’océan. On pense à Jean-Denis et Louise de Néméa qui ont partagé sur Facebook le même genre de photo d’eux quelques jours plus tôt. Un regard fatigué, mais rempli de reconnaissance et de bonheur!
Les rayons du soleil se reflètent sur New York… et New York nous attire comme un aimant. Nous avions prévu aller dormir une bonne nuit à Sandy Hook avant d’aller nous faire brasser au mooring de la 79e avenue… mais tout est si beau et parfait. Le courant est avec nous. Pourquoi ne pas y aller tout de suite?! On prend un cap vers New York pendant qu’Eric appelle pour s’assurer qu’il y a des moorings de libres. Déception. On nous dit que les moorings ne sont pas disponibles, car ils en font l’entretien… non disponibles pour une période indéterminée. Ah non! Toute la famille souhaite passer quelques jours à New York, et les moorings de la 79e avenue offrent la meilleure porte d’entrée au meilleur prix.
Je prends la décision de changer de cap, alors qu’Eric préférerait que l’on continue notre chemin. On passe de l’excitation de voir apparaitre New York, de constater tout le chemin parcouru... à la déception totale de ne plus être certains du tout de pouvoir retourner dans cette ville. C’est aussi ça la vie... on passe d’un extrême à l’autre... On va dormir à Sandy Hook et l’on prendra, on l’espère, une décision éclairée par la suite.
Cynthia
À Cape May, le 9 juin, debout à 5 heures du matin, les bateaux tout autour de nous se préparent à partir. Le ciel se couvre de rose, avant que les premiers rayons du soleil viennent nous réchauffer. La journée sera parfaite, je le sens, je le sais, je l’espère.
Après le déjeuner, on lève l’ancre et on part en direction du inlet. Ça brasse comme toujours, mais comme on est préparé psychologiquement, c’est toujours moins pire! La mer est belle, le ciel est bleu, enfin! Aucun nuage à l’horizon. Toutefois, le vent nous fait défaut. Nos voiles ballotent se demandant bien qu’elle est leur rôle. On s’en doutait, la mer est bien formée étant donné les vents des derniers jours. La houle est grosse, elle nous rappelle notre sortie en mer entre Eleuthera et les Abacos… notre pire sortie en mer! Mais, puisque la houle n’est pas de travers, ça devrait être plus supportable. Il est toutefois difficile de rester à l’intérieur du bateau.
Heureusement, le beau temps nous permet de tous être dans le cockpit. On chante, on joue aux dames, aux échecs. Même Charline, la plus sensible habituellement, prend la barre. Comme elle a cheminé notre petite Charline. « Oh… elle est vraiment grosse cette vague. » Elle la regarde, alors qu’avant elle aurait détourné le regard et qu’elle en aurait eu peur. Il faut le vivre pour bien le comprendre. L’océan est comme une plaine mouvante. Certains endroits se creusent, d’autres se gonflent. Parfois, on est dans un creux, parfois au sommet. L’eau bouge en douceur, mais tout est en mouvement constant. Tout comme notre estomac… Les filles s’amusent et ne se plaignent pas. On dirait que pour cette dernière sortie en mer, tous les éléments se placent. Daphné avait même préparé une liste de choses à faire pour ne pas me demander 50 fois : « Qu’est-ce que je peux faire? ». Bien sûr, le soleil fait toute la différence.
La journée se passe lentement, en espérant toujours pouvoir éteindre le moteur, mais non. Vers 16 h, la houle tourne à l’est, nous l’avons donc de travers… et ce qui devait arriver arriva! Alixia est malade! Pourtant ce n’est pas elle qui est fragile normalement. 3 fois, plutôt qu’une, pauvre Ali.
Heureusement, comme il l’était annoncé, quelques heures plus tard, la houle arrive du sud, donc de l’arrière, ce qui est beaucoup plus confortable. Un vent léger nous permet d’avancer à 3-4 nœuds. On éteint enfin le moteur. Comme ça fait du bien. Les filles écoutent un film pour faire passer le temps. Pour une dernière fois, pour ce voyage, on voit le soleil qui se couche sur l’océan. Quelques minutes plus tard, une lune toute rose se lève, la lune des fraises, parait-il. Une lune spéciale pour faire plaisir aux Perles de Perla et aussi pour souligner les 10 ans de Charline! Comme nous allons nous ennuyer de ces spectacles.
La nuit s’installe tranquillement.
Durant ces longues heures à la barre, on a le temps de réfléchir, de revivre notre année dans notre tête, de voir le chemin parcouru, de revivre certains moments, être surpris que certains souvenirs oubliés remontent à la surface. On se rappelle « avant » et les questions associées : pourquoi partir un an, pourquoi vouloir voyager sur un voilier alors qu’on n’a aucune expérience. Avec 4 enfants? Et l’école? En effet, pourquoi? À cette question, aucune réponse rationnelle. Un désir, simplement qui sommeille en moi depuis toujours, celui de partir en voyage pour au moins un an. Un désir pour Eric de partir sur un voilier. Puisque nous sommes un couple et que nous rêvons ensemble, nos rêves se sont combinés pour n’en faire qu’un : partir en voyage sur un voilier pour un an. Au-delà des questionnements, des apprentissages, des craintes, des peurs, nous avons conservé le cap. New York était la première étape à atteindre et voilà que nous y revenons remplis de gratitude envers la vie pour tout ce que nous avons vécu depuis que nous l’avons quitté en août dernier.
La nuit est parfaite, quoique froide. La lune est pleine, le vent se décide à souffler pour nous faire avancer à 5-6 nœuds. Je suis heureuse que mes filles aient envie de barrer durant un moment de la nuit. Elles ont compris. Parfois, ce qui est difficile et qui demande un effort nous fait vivre un moment unique qui n’est pas offert à tous.
Malgré la fatigue et le froid, elles barrent durant un moment avec Eric ou moi. Alixia, comme lors de la plupart des traversées, dort à l’extérieur. Charline sort de son chaud cocon à minuit pour venir passer une heure à la barre avec moi. Qu’y a t-il de si magique? Il ne se passe rien : le vent gonfle nos voiles, fait glisser Perla à 3-4 nœuds, parfois plus. C’est même un peu ennuyant. Mes yeux brûle tellement je suis fatiguée. Mais la magie se passe exactement lorsqu’il ne se passe rien. Dans ce vide total, nous comprenons que nous sommes privilégiés d’être dans cette immensité qu’est la mer, d’y flotter sur notre bateau, notre maison. La pleine lune nous éclaire, des nuages la recouvrent par moment, créant dans le ciel une toile magnifique. Le froid finit par traverser mes 4 épaisseurs. Je réveille Eric pour pouvoir aller me réchauffer et dormir aussi un peu.
Déjà 5 h. Le ciel orangé m’incite à sortir à l’extérieur. Ce dernier spectacle, on le partage seulement en amoureux. Pendant que nos 4 filles dorment, on se prend en photo avec notre dernier lever du soleil sur l’océan. On pense à Jean-Denis et Louise de Néméa qui ont partagé sur Facebook le même genre de photo d’eux quelques jours plus tôt. Un regard fatigué, mais rempli de reconnaissance et de bonheur!
Les rayons du soleil se reflètent sur New York… et New York nous attire comme un aimant. Nous avions prévu aller dormir une bonne nuit à Sandy Hook avant d’aller nous faire brasser au mooring de la 79e avenue… mais tout est si beau et parfait. Le courant est avec nous. Pourquoi ne pas y aller tout de suite?! On prend un cap vers New York pendant qu’Eric appelle pour s’assurer qu’il y a des moorings de libres. Déception. On nous dit que les moorings ne sont pas disponibles, car ils en font l’entretien… non disponibles pour une période indéterminée. Ah non! Toute la famille souhaite passer quelques jours à New York, et les moorings de la 79e avenue offrent la meilleure porte d’entrée au meilleur prix.
Je prends la décision de changer de cap, alors qu’Eric préférerait que l’on continue notre chemin. On passe de l’excitation de voir apparaitre New York, de constater tout le chemin parcouru... à la déception totale de ne plus être certains du tout de pouvoir retourner dans cette ville. C’est aussi ça la vie... on passe d’un extrême à l’autre... On va dormir à Sandy Hook et l’on prendra, on l’espère, une décision éclairée par la suite.
Cynthia
Un dernier matin à l'ancrage de Cape May |
Jeu en mer. |
Ah, la houle... |
Un dernier coucher de soleil en mer. |
On est loin des écrans géants... mais on est sur l'océan. |
Daphné à la barre la nuit. |
Fatigués, mais heureux. (Ok, on cache le lever du soleil, mais nous, on le sait qu'il est derrière nous!) |
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