25 novembre : Départ de Véro Beach et sortie en mer jusqu’à Lake Worth
Le vendredi 25 novembre, vers 6 h 30, nous
détachons doucement les amarres qui relient Perla à Milou. Deb et Michou
viennent nous aider. On se serre dans nos bras en se disant qu’on se revoit
bientôt. On sait toutefois que bientôt sur l’eau, ça peut correspondre à
quelques jours comme à quelques semaines…
L’eau est calme, les centaines de voiliers sont encore
endormis. Une larme coule sur mes joues. Pourquoi poursuivre notre route seuls
alors que tant d’équipages restent ici, tout comme nos amis sur Milou? Parce
que chaque équipage a sa propre réalité, son propre plan, ses propres
objectifs. Oui, les plans parfois sont faits pour être changés, mais sur l’eau
avec 4 enfants, c’est surtout la météo qui dicte nos déplacements. Nous savons
que nous avons 2 journées de beaux temps et qu’ensuite nous devrons nous
protéger de forts vents, voilà pourquoi nous partons déjà, avec le cœur gros,
mais en même temps heureux de naviguer doucement.
Un dauphin saute derrière nous et puis un autre!! Ils font
partie de notre quotidien depuis déjà plusieurs semaines, mais on ne se lasse
pas de les regarder! Ce matin, ils nous font le privilège de sauter complètement
hors de l’eau, ce qui est plutôt rare. Quelques minutes plus tard, derrière
Perla, se dresse un magnifique arc-en-ciel.
Nous ne pouvons faire autrement que d’être dans l’instant
présent et de savourer ces moments de bonheur. Alixia s’installe à l’extérieur
avec ses manuels scolaires. Florane sort son cahier et ses crayons et dessine à
l’intérieur. Comme elle a changé en quelques semaines. Elle qui dérangeait sans
cesse ses sœurs pendant qu’elles essayaient tant bien que mal de se concentrer,
elle est maintenant la première à s’assoir avec ses cahiers. Le calme plat
règne à l’intérieur comme à l’extérieur du bateau. Ce qui est plutôt
exceptionnel! Pourquoi briser ce moment parfait.
On annonce une belle journée, vent de 10 à 15 nœuds de
l’est, ce qui nous permettrait de faire de la voile si nous sortons en mer. Je
n’aime pas les vents d’est parce qu’ils font grossir les vagues et depuis
quelques jours, les vents soufflent de cette direction. Mais la météo annonce
des vagues de 2-3 pieds avec un intervalle de 9 secondes. Rien d’inquiétant.
Bref, nous avons une belle météo pour faire une sortie en mer et éviter
plusieurs ponts à faire ouvrir. Nous décidons à Fort Pierce de sortir en mer.
43 milles nautiques nous séparent de Lake Worth.
Le calme de l’intracostale laisse place à un inlet des plus
agités. Plus que tout ce que nous avons vu à présent. Mais on le sait, après ce
passage corsé, tout ira bien une fois en mer. Le navire devant nous qui tente
d’entrer se fait balloter de tous les sens. On est toujours impressionné de
voir les autres bateaux. On sait qu’après ce sera notre tour. Il ne s’agit pas
de vagues, mais d’une bien mauvaise soupe. L’eau sort en pique et arrive de
tous les sens. Mon cœur de mère palpite à chaque fois. Je suggère aux filles de
descendre le temps que nous ayons passé cet endroit. On sort de la machine à
laver et on se retrouve dans de l’eau bleue. Bleu aqua. Enfin! Que c’est beau!
Mais la mer n’est pas si calme…
Les filles se couchent sur les banquettes et n’osent plus
bouger. Eric fait ce qu’il ne fait jamais, il descend quelques minutes pendant
que je suis à la barre. Lorsqu’il ressort, son visage me dit qu’il ne va pas
bien. Il est le seul à ne pas avoir eu notre virus de Disney… et ce n’est pas
le moment. Il reste assis tout l’avant-midi, plutôt hors d’usage. J’affronte la
mer. Toutefois, sans Eric, je n’ai pas la même assurance. D’autant plus que
normalement, c’est moi qui fais les allers-retours à l’intérieur pour apporter
de l’eau et des grignotines à l’équipage. Heureusement, tout le monde s’est
assoupi. On devra tout de même manger à un moment ou à un autre.
Nous calculons toujours notre distance avec une vitesse
moyenne de 5 nœuds. Chaque fois que nous sommes sortis en mer, nous allions
plutôt à 7 nœuds, la journée se passait donc plus vite que prévu. Mais cette
fois-ci, c’est différent. Je peine à conserver ma vitesse. Les vents supposés
Est sont plutôt Sud et nous ralentissent considérablement. Il est difficile de
faire de la voile, car je ne peux conserver mon cap. Nous faisons donc un peu
de voile qui nous permet de naviguer à 6 nœuds et ensuite un peu de moteur pour
reprendre le bon cap et ainsi de suite.
Vers midi, Alixia me demande dans combien de temps nous
devrions arriver. Il nous reste encore 5 heures au minimum. Son visage se
charge de tristesse. Elle ne dit rien. D’ailleurs, personne ne se plaint. Mais
sa peine me bouleverse. Personne ne se sent bien et je me sens faiblir. Le
temps d’un instant, je constate que mon corps aurait bien envie de se laisser
aller, perdre connaissance. 5 heures c’est long sur cette mer agitée, cette mer
si imprévisible. Je suis incapable de mesurer les vagues, elles sont grosses et
certaines sont… encore plus grosses. Je crois que ce qui n’aide pas notre état
général se situe dans le fait qu’elles soient rapprochées : 4 secs
d’intervalle qu’on entend sur la VHF. Heureusement, Perla prend vague après
vague sans aucun problème. Le vent commence à se stabiliser au Sud-Est et nous
permet de faire de la voile en conservant le bon cap. Il faut voir le positif
et prendre une heure à la fois. 13 h, 14 h, 15 h. Eric va mieux.
Merci mon Dieu!
Il prend la barre pour les dernières heures de navigation.
Vers 17 h 30, nous faisons notre approche de l’inlet de Lake Worth.
On voit les plages magnifiques et les gens qui s’y promènent tout calmement. Ces gens qui prennent l’avion ou la voiture
et vont relaxer sur la plage… Mais quelle bonne idée! Une barge sort alors que
nous tentons d’entrer. Une chance que c’est Eric à la barre. L’entrée se fait
sans problème et quelques minutes plus tard, nous jetons l’ancre dans de l’eau
bleue!! On voit même le fond de l’eau. Un petit avant-goût des Bahamas!! Toute
la famille est bien excitée!
Pour la première fois depuis le début du voyage, nous
arrivons plus tard que prévu. Nous commencions à nous habituer à aller plus
vite que l’horaire déterminé. La mer vient nous rappeler à quel point c’est toujours elle qui a le dernier mot.
Les filles sont en pleine forme, elles ont dormi toute la
journée. Moi, je suis épuisée. Qu’est-ce qu’on fait dans ce temps-là? Du ragout
de boulettes cordon bleu! Les filles sont tellement heureuses, la récompense
ultime après une telle journée!
Eric et moi devons décider si nous ressortons en mer le
lendemain. La météo est favorable, mais nos forces ne le sont pas. Par
l’intracostal, 20 ponts à bascule nous attendent. Nous prendrons la décision à
notre réveil.
Départ de Vero Beach |
Un autre merveilleux matin. |
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