Nous sommes une famille de 6 qui avons eu le bonheur de vivre sur notre voilier Perla VII durant près d'un an

5 octobre: De longues journées de navigation et de réflexion pour enfin arriver à River Dunes Marina, un trou à ouragan

En ce merveilleux dimanche matin, à peser le pour et le contre, finalement, on lève l’ancre et on part en direction du Dismal Swamp. Nous ne sommes pas très loin de l’écluse, nous allons donc aller vérifier nous-mêmes l'état des lieux. Nous naviguons à travers de la mousse causée par les inondations des derniers jours. Le calme plat, la forêt qui nous entoure. Nous sommes bien décidés à aller dans cette direction. Nous irons lentement et nous profiterons du paysage. Nous rappelons l’éclusier et nous le questionnons davantage sur l’état du Dismal Swamp. Encore une fois, il nous déconseille de prendre ce chemin qui selon lui n’est pas sécuritaire. Ils ont perdu entre autre plusieurs tables à pique-nique qui peuvent être entre deux eaux, en plus de tous les troncs d’arbre, branches, débris de toute sorte. « Si tu veux Capitaine, je t’ouvre les portes de l’écluse, mais je vous le déconseille fortement. » Le message est clair et nous ne souhaitons pas prendre de risque inutile pour notre voilier. On rebrousse chemin, déçus. À bord d’un voilier, il faut savoir respecter la voie que nous offrent la nature et la météo.

Du côté de la Virginia Cut, la journée sera longue. Il y a peu de lieux d’ancrage avec un minimum de protection. En plus, avec ce petit détour vers le Dismal Swamp, nous pouvons passer l’écluse du Virginia Cut seulement à 10 h. En lisant les guides, récits de voyage, nous réalisons que personne ne parle de cette écluse. Pourquoi? En y arrivant, nous comprenons. Nous réalisons à peine que nous sommes dans une écluse. Un gentil monsieur vient prendre nos amarres et les tourne autour des taquets. Il nous informe que nous allons descendre d’un pied. Un pied?! Une si grande écluse pour un pied d’eau… Le niveau de l’eau est anormalement élevé. Normalement, nous descendrions de 2-3 pieds. Vraiment relax comme écluse! On en profite pour questionner les éclusiers concernant les ponts à venir qui ont une hauteur de 65 pieds. Avec le niveau de l’eau, allons-nous passer?! « Avec le niveau de l’eau, il doit y avoir environ 63 pieds. » Ça ne me rassure pas trop. Après le premier pont à bascule, il y a un beau quai avec un petit parc à l’arrière. Mais on souhaite avancer davantage.

La route est belle, mais longue. Encore une fois, nous sommes épargnés par la pluie et les orages. Nous écoutons les alertes météo et surveillons les nuages derrière nous. Mais le ciel en haut de nous est toujours bleu! Nous croisons un gentil Canadien à bord d’un beau voilier rouge. Il nous appelle sur la radio vhf pour s’assurer que nous surveillons la trajectoire de Matthew et nous conseille d’aller à la marina River Dunes près d’Oriental. C’est noté.

Après une longue journée à faire ouvrir des ponts, à surveiller la hauteur des autres, nous nous ancrons près de Buck Island, qui n’est pas vraiment une île, mais un marécage, qui nous offre un minimum de protection des vents du nord. Nous surveillons l’ouragan Matthew et lisons pour trouver le meilleur endroit où aller. Nous voyageons à bord d’un voilier, donc lentement. Nous regardons la navigation à faire pour nous rendre jusqu’à la marina River Dunes et le temps que nous avons. Nous pouvons naviguer deux autres journées avant que les vents ne forcissent trop. Et nous avons plus de 100 milles à faire pour nous rendre là-bas. Ouf, ça fait de longues journées. 

Nous évaluons toutes les possibilités: les autres marinas, les petites criques qui offrent une bonne protection, rebrousser chemin, remonter du côté du Dismal Swamp. On se couche avec plusieurs options en tête. On se lève tôt et réévaluons la situation. Chaque matin, la décision est difficile à prendre. Le vent du nord nous incite à aller vers le sud. En plus, nous avions appelé dans une petite marina près de la sortie du Dismal Swamp, mais nous n’avons pas de retour d’appel. Nous décidons d’appeler aussi à River Dunes marina, même si nous ne sommes pas certains de nous y rendre. On nous confirme qu’ils ont une place pour nous. Au pire, nous annulerons. Nous pouvons enfin faire de la voile, de la belle voile! Nous aimerions tant pouvoir fermer le moteur, mais pour réussir à faire 60 milles dans un temps raisonnable, nous préférons garder une vitesse de 7-8 nœuds, plutôt que 4-5 nœuds. Nous traversons l’Albemarle Sound, l'Alligator River et le canal Alligator-Pungo River. Vers 17 h, nous nous ancrons à la sortie du Canal, dans Pungo River.  

Nous sommes fatigués et avons encore des décisions à prendre.

Matthew ne s’essouffle pas pour l’instant. Dans Pungo River, nous sommes davantage dans les terres, donc la protection devrait être plus grande et les ouragans ne viennent habituellement pas jusqu’ici. La ville toute proche, Belhaven offre un quai gratuit et plusieurs marinas. Il y a aussi des criques protégées qui nous offriraient une protection de 360 degrés. Être seule avec Eric, nous privilégierions cette option, mais avec 4 enfants... Nous devrions y rester durant 7 jours environ, sans possibilité d’aller à terre. Nous vérifions la quantité d’eau et de nourriture à bord. Nous avons une bonne autonomie, donc de ce côté, il n’y a pas d’inquiétudes. Mais, avons-nous vraiment envie d’être 7 jours sur un 42 pieds, à 6?! Non! Les marinas ou quais municipaux s’avèrent donc les options à privilégier. À Belhaven, nous lisons des commentaires élogieux sur l’accueil, mais rien au niveau de la protection des vents. En parallèle, je surveille la météo du lendemain… Si nous souhaitons nous rendre à la marina River Dunes, une longue navigation nous attend. On entend de nouveaux mots à la météo sur la VHF : choppy, rough. Rien pour me rassurer. Une section de la navigation est plus corsée. Dans notre guide, il est suggéré de passer le cap entre Bay River et Neuse River, par faible vent, voir vent nul. Il y a de nombreux hauts fonds. On nous annonce 15 nœuds de vent, avec des rafales à 20-25 nœuds. Il ne s'agit pas du scénario idéal.

Mardi matin, 5 h 30, je relis mes guides et les commentaires sur Active Captain. Je ne trouve aucune information concernant la protection et nous ne pouvons pas prendre la journée pour aller visiter les différentes marinas. Le capitaine n’est pas inquiet concernant la navigation jusqu’à River Dunes. Donc, go! On lève l’ancre. Le ciel est gris, les vents plus forts qu’ils étaient annoncés en avant-midi. On fait de la voile comme jamais depuis le début de notre voyage. Pungo River est plutôt calme, Pamlico River est également bien tolérable. On chante à bord de Perla! On emprunte un autre petit canal et on en profite pour dîner. On sait que la navigation plus corsée s’en vient. On a confiance que les vents prendront leur pause à l’heure du dîner, tout comme les vagues… Et non, pas de pause aujourd’hui! Le vent forcit à 20 nœuds avec des rafales à 25. Les vagues arrivent de très loin.

Perla file bien sur l’eau avec seulement la voile avant. Les vagues sont impressionnantes. On les reçoit de travers. Je ne les regarde pas de face, un peu comme un animal dangereux. Je jette un œil à Luciole derrière nous pour m’assurer qu’il nous suive toujours. Avec les vagues, nous voyons à peine leur bateau. Nos deux voiliers progressent bien et vite. Eric barre alors que je surveille les bouées pour les hauts fonds et que je m’occupe comme je peux des filles. Elles se couchent avec un sac à côté d’elles au cas où… Nous n’en avons pas pour longtemps, environ deux heures. Lorsque je leur dis ces mots, je constate en même temps à quel point le temps est relatif. Deux heures… c’est long, mais ça pourrait être une traversée de 24 heures. Donc, deux heures, c’est court!

Nous changeons de cap et avons maintenant les vagues d’arrière. Nous surfons sur certaines d’entre elles, le voilier n’est alors plus manœuvrable. La vague passe et Eric reprend le contrôle du voilier. Le capitaine est toujours d’un calme total, alors que je me cramponne sur Perla. On approche enfin de l’entrée pour nous rendre à la marina. Le chenal est étroit, mais nous sommes protégés un peu des vagues. Enfin, l’eau se tranquillise. On arrive dans un havre de paix. Wow, quelle marina!

Ici, l’atmosphère n’est pas à la blague comme à Cape May, lorsqu’Hermine approchait. On nous informe que nous devrons quitter notre bateau si Matthew arrive ici comme un ouragan. Il faudra dormir dans la bâtisse principale de la marina. On espère ne pas avoir à quitter notre voilier!

Nous, nous sommes simplement excités d’être dans un si bel endroit avec de belles douches, des laveuses et sécheuses, une piscine, des spas... Le reste nous préoccupe peu, la météo réserve des surprises de jour en jour. Nous verrons en temps et lieu. Nous prenons bien sûr la menace au sérieux, mais sans nous inquiéter outre mesure. Nous savons que nous sommes dans un endroit sécuritaire.

On termine la journée en enlevant nos voiles et en préparant Perla pour le pire… en étant bien convaincu que Matthew ne nous visitera pas. Il partira bien loin dans l’océan main dans la main avec Nicole (une autre tempête actuellement aux Bermudes).  

Cynthia

On navigue dans de la belle mousse en direction du Dismal Swamp.

Finalement, nous sommes du côté de la Virginia cut. Nous voici dans l'écluse.

Nous sommes plusieurs bateaux à emprunter la même route en ce beau dimanche.

Alerte météo sur la radio vhf. Regardez les magnifiques cumulo-nimbus.

Non, non, je n'ai pas le doigt devant le flash.
Le ciel est véritablement comme ça
lorsque le soleil tente de se frayer un chemin pour se coucher.

Un autre pont qui nous inquiète... Nous avons un tirant d'air de 62 pieds, l'affiche indique 63!

Un quai de crevettiers. Nous aurions aimé nous y arrêter pour une nuit
si ce n'avait été de la menace de Matthew.

L'activité en cet fin d'après-midi: on plie les voiles! Le génois.

Et maintenant, la grande voile... 

River Dunes marina, il y a des endroits pires où attendre un ouragan...
Un canal creusé mène à la marina. Celle-ci est protégée à 360 degrés.


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