Nous sommes une famille de 6 qui avons eu le bonheur de vivre sur notre voilier Perla VII durant près d'un an

21, 22 avril : Départ des Bahamas en douceur et une autre traversée du Gulf Stream mouvementée!

Vendredi matin, c’est à notre tour de traverser vers les États-Unis. On revérifie la météo, Eric écoute Chris Parker sur la radio amateur. On décide de partir plus tôt que prévu pour arriver à Fort Pierce à l’étale du matin, plutôt que celle de l’après-midi. À 8 h 40, Eric lèvre l’ancre avec les 4 filles sur le pont. Une dernière fois. Daphné et Charline chantonne « C’est pas facile de lever l’ancre et mettre le cap vers d’autres cieux » (Les Deux frères), mais on est plutôt zen. Il fait beau, l’eau est magnifique. On fait de la voile à l’état pur.

Toute la journée, les filles prennent la barre à tour de rôle. Le capitaine a donc congé pour toute la journée ou presque.

 On démarre le moteur durant deux heures à peine alors que le vent nous fait avancer seulement à 3 nœuds. Dès 14 h, on peut à nouveau l’éteindre et on se laisse glisser sur l’eau. On rêve à de longues traversées. La vie est facile lorsque le vent arrive de l’arrière. On navigue encore une fois en ciseau. On peut facilement préparer les repas, faire la vaisselle, ranger tout le bateau. Il fait très beau et chaud, alors on sort pour la première fois les fusils à l’eau! Les filles s’amusent à s’arroser et à rafraichir le barreur.

On soupe tôt, car je sais que bientôt nous n’aurons plus 20 pieds d’eau sous le bateau, mais plutôt 3000. Le tableau paisible risque de changer, d’autant plus que les vents devraient augmenter.

Nous avons déjà un ris dans la grand-voile et on se questionne si nous ne devrions pas en prendre un 2e. Nous avons une belle vitesse et les vents ne devraient pas augmenter de plus de 5 nœuds. On se dit que nous ajusterons notre vitesse en rentrant le génois.
Dès que nous sommes en pleine mer, avec 2-3000 pieds d’eau sous le bateau, les vents augmentent, tout comme notre vitesse. Avec uniquement la grand-voile, nous allons encore beaucoup trop vite, nous ne voulons pas arriver de nuit à Fort Pierce… Pendant qu’il fait encore clair, c’est le moment de prendre un autre ris. Mais pour se faire, il faut aller face au vent et face aux vagues. AHHH! GO! Ça brasse de partout. Évidemment, comme à l’habitude, la voile coince dans les cordes du lazy bag, Eric doit aller sur le pont pour replacer le tout. Après de longues minutes qui semblent interminables, où je n’ai pas envie que le capitaine soit projeté par-dessus bord (ne vous inquiétez pas, il se tient bien et s’attache, mais quand même à la barre, c’est toujours inquiétant), nous reprenons enfin notre cap.

On a une belle vitesse moyenne de 5 nœuds, nous devrions arriver comme prévu vers 7 h du matin à Fort Pierce.
Nos filles trouvent soudain la traversée moins agréable. C’est l’heure des gravols. On lance notre bouteille à la mer plus tôt que prévu et nos filles sonnent le conch même si le soleil n’est pas encore tout à fait couché.

La noirceur arrive rapidement, une courte averse incite Alixia à aller se coucher à l’intérieur. C’est beaucoup mieux ainsi. Les 4 filles dorment, on peut alors se concentrer sur Perla, notre cap, les vagues.

Souvent, on dit que la nuit n’est pas si noire… mais cette nuit, c’est noir, noir. L’eau est noire, le ciel est noir, tout est noir. Au loin, une petite lumière, celle de No agenda. Parfois, d’autres lumières se dessinent au loin, on surveille la trajectoire des autres navires, et elles disparaissent. Les seules autres couleurs qui apparaissent parfois : du gris, du blanc, l’écume des vagues avec ce bruit qui coïncide au moment où Perla surfe sur l’une d’entre elles. Eric se couche en premier, car je suis incapable de dormir.

On y va une vague à la fois, je surveille notre vitesse, notre heure prévue d’arrivée. On ne veut pas être trop tôt, mais pas trop tard non plus. L’étale est à 7 h 40, après nous aurons le courant contre nous. Et avec ces vagues, j’aime mieux ne pas imaginer l’inlet. Nous y avons déjà passé avec les vagues contre le courant… et ce n’était pas très beau… et le vent n’était jamais aussi fort. Une chose à la fois. Ça ne donne rien de s’inquiéter, l’important pour le moment c’est de traverser ce fameux Gulf Stream.

Le Gulf Stream avec ce vent chaud, cette humidité… On se sent comme dans une machine à laver, heureusement sans aucun cycle qui tourne totalement. Les vagues sont grosses, mais tant qu’elles arrivent de l’arrière, le bateau reste bien stable… mais parfois, le Gulf Stream nous en envoie une autre du sud, une grosse, pour être sûr de bien nous réveiller. Et voilà que Perla ballote de gauche à droite. Et pas juste un peu. Je me cramponne à la barre, et je plie une jambe et puis l’autre. Une autre façon de faire de l’exercice!

Vers 23 h 30 mes yeux commencent à se fermer de plus en plus. Eric se lève et prend la relève. Je me couche tout habillé sur la banquette, même avec mes souliers. Après une quinzaine de minutes, mes orteils réclament un peu de liberté!

Je somnole, mais avec tous ces mouvements de bateau, je n’arrive pas à plonger dans le sommeil.
Je me sens totalement « buzzé »… vraiment tout croche. Vraiment épuisée, mais incapable de dormir. J’ai mal au cœur, je crois, mais je n’en suis pas certaine. Bref, je ne me sens pas bien. Si je ne me lève pas, j’ai l’impression que je ne serai plus jamais capable de sortir de cet état semi-comateux. Alors, go. En plus, avec toute cette eau que je ne cesse de boire pour ne pas me déshydrater, je dois encore aller à la salle de bain… et la salle de bain d’un bateau, c’est probablement le pire endroit pour ne pas bien aller… Vite, je ressors dehors en prenant mon manteau, mon gilet et mon harnais. Une fois dehors, je trouve des chips derrière moi. Incapable de parler, j’en mange quelques-unes, le vent me ramène à la vie.

Étrangement, Eric et moi arrivons à peine à ouvrir la bouche. Les sons sortent difficilement. Les lèvres bougent, mais nos cordes vocales fonctionnent péniblement. Il réussit à me faire un petit compte-rendu et se couche. Il me dira seulement le lendemain matin qu’il a été malade pendant que j’étais couchée en bas.
Je prends la barre, c’est définitivement l’endroit où je me sens le mieux. Je suis les mouvements du bateau. Le vent me fait du bien. Eric se couche par terre en petit boule. Je suis partagée entre, il fait pitié ou c’est extraordinaire de vivre de telle chose. Les nuages se sont un peu dissipés et les étoiles m’accompagnent enfin. Certaines brillent d’un tel éclat. Derrière moi, la lune se lève enfin.
Le temps passe, les vagues ne diminuent pas, au contraire. No agenda nous appelle, ou on les appelle. Ça fait toujours du bien de savoir que nous sommes au moins deux bateaux à vivre la même chose.

J’observe les bateaux de croisières qui passent au loin. Je pense à tous ces passagers qui dorment paisiblement… qui n’ont même pas conscience qu’ils sont dans le Gulf Stream. Ah… dormir…. Je donne un autre 15 minutes à Eric qui semble dormir si paisiblement, et un autre, puis un autre. À 5 h du matin, je le réveille, j’ai besoin d’un petit répit. C’est à mon tour de me coucher par terre en petite boule. On y est quand même bien. Je m’assoupis, je crois pour quelques minutes.

Vers 6 h, je me relève. Je prends conscience que ce matin, le soleil ne se lèvera pas sur les Bahamas. Comme je les ai aimés, appréciés ces moments, mes moments, où j’étais assise toute seule sur le pont à guetter les premiers rayons qui apparaissent doucement derrière l’une des petites iles des Bahamas. Il y en aura plein d’autres levers du soleil. Je sais qu’il y en a des magnifiques un peu partout sur la planète, et pas si loin de chez nous, mais ceux des Bahamas auront accompagné notre quotidien bien particulier durant 5 mois.

À 6 h 30, les rayons du soleil commencent à illuminer le ciel. On approche du inlet de Fort Pierce. Les filles se réveillent l’une après l’autre, contentes de savoir que nous sommes à moins d’une heure du prochain ancrage. Je leur conseille de rester couchées, on doit se retourner face au vent pour baisser notre voile, ça va brasser encore!!

Et voilà qu’on se retourne, mais on a oublié d’enlever le frein de bôme. On doit donc revenir dos aux vagues, enlever le frein et se remettre face au vague. Tout se passe bien et rapidement. On pointe vers l’est, vers le soleil qui se lève. Et on peut enfin retourner Perla en direction des États-Unis.

Notre approche se fait étonnamment tout en douceur. Après avoir dépassé quelques grosses vagues, on découvre un inlet plutôt calme. Ça fait toujours une grosse différence d’être avec le courant, à quelques minutes de l’étale. Les nombreux petits bateaux de pêche croisent notre chemin, on navigue quelques minutes et on s’ancre tout près d’une marina.

On est contents de voir Delphini tea que l’on avait croisé à Nassau et d’apercevoir Charlotte C!

Le capitaine retourne se coucher un petit 30 minutes pendant que je prépare le déjeuner pour toute la marmaille. Gilles et Nancy de Charlotte viennent nous voir et nous donne toutes les informations nécessaires : no des douanes et adresses. Comme ils sont gentils. On est un peu dans un état second et on apprécie grandement l’aide de nos amis!

Delphini tea ont déjà leur téléphone et nous propose de nous le prêter pour que l’on puisse appeler aux douanes. Comme c’est gentil!

La procédure lorsque l’on arrive aux États-Unis est de contacter par téléphone les douanes. Ils nous posent quelques questions et nous donnent ensuite un numéro. Avec ce numéro, nous avons 24 h pour nous présenter aux douanes pour remplir d’autres formulaires.

Quelques minutes de dinghy et nous sommes à une marina. De là, on appelle un taxi. Assis en plein soleil, on a l’impression que l’on va tomber endormi par terre avant qu’il arrive. Je propose de marcher un peu. On demande aux garçons à l’entrée s’il est possible de se rendre jusqu’à l’aéroport à pieds, la réponse est négative. Il nous informe aussi qu’ici, le temps d’attente pour un taxi est toujours d’environ 1 heure. Quoi?! On marche vers la rue et heureusement, on croise rapidement un taxi. 5 minutes plus tard, nous sommes à l’aéroport. 5-10 minutes plus tard, nous ressortons déjà! Le taxi de No Agenda nous ramène pendant qu’ils remplissent eux aussi la paperasse.

Un arrêt au Publix nous permet d’acheter plein de fruits et de légumes frais… et de la crème glacée!! Ça faisait 5 mois que nous n’avions pas eu ce luxe… mis à part sur Bonaparte avec François et Annette!

On revient sur Perla, il fait beau et chaud. On dine… et après c’est flou. Je m’endors sur la banquette à l’extérieur. Le temps passe. On jase un peu avec Charlotte, No agenda. On soupe, on écoute Breakfast Club (heureusement en anglais, car certain propos sont assez crus pour les oreilles des jeunes filles à bord) et on se couche tôt. On a une nuit à rattraper!
Cynthia













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