18, 19, 20 février : Tortues, plage de sable fin à l’infini à Conception Island et... un mahi-mahi de perdu!
Samedi matin, on quitte la très belle Calabash bay. On doit
traverser le Cap Santa Maria et ensuite prendre un cap vers Conception Island.
Je suis nerveuse ce matin. Pourtant, ce n’est pas la première fois que nous
naviguons en mer… mais la première fois que nous allons vers un lieu si isolé.
J’espère que d’autres bateaux lèveront l’ancre en même temps que nous, mais
non.
La mer est bien formée et nous devons naviguer au près. Nous
prenons 2 ris dans la grande voile (c’est-à-dire que nous diminuons la surface
de voilure) et nous sortons le génois qu’à la moitié. On gite quand même, mais
pas trop. Charline et Florane me disent dès le départ qu’elles ne se sentent
pas très bien. Elles se couchent dans mon lit et prennent une gravol. Alixia et
Daphné se couchent à l’extérieur.
J’essaie d’imaginer ce qu’avait l’air le Gulf Stream lorsque
l’on a traversé vers les Bahamas. Ça frappait beaucoup plus et on ne pouvait se
tenir debout à l’intérieur… la mer devait donc être beaucoup, beaucoup plus
grosse. Mais dans le noir, étrangement, je ne la craignais pas.
Daphné me dit qu’un autre bateau nous suit, j’en suis bien
heureuse.
Secrètement, je me disais que jusqu’à 10 h, on pouvait toujours
revenir sur nos pas si nous étions seuls et si je me sentais toujours aussi
mal… pas un mal de cœur, un mal dans ma tête. Un mal d’inquiétude, sans
vraiment savoir pourquoi. Eh oui, je sais pourquoi. Car je repense aux
histoires entendues les dernières semaines, au fait qu’il vaut mieux toujours
naviguer à deux bateaux.
Le voilier nous rattrape rapidement et nous dépasse. Un
bateau hauturier qui saute dans les vagues. Le spectacle est de toute beauté.
Entre deux vagues, il disparait et réapparait ensuite. La hauteur des vagues en
mer est difficile à analyser. Tout est arrondi, on perd tous nos points de repère.
Mais, elles doivent être assez grosses si on ne voit plus l’autre bateau durant
un moment…
Je me questionne toujours sur le pourquoi de me retrouver en
mer avec toutes les peurs que cela engendre dans ma tête. Elle est belle, cette
mer avec son bleu marin, Perla glisse avec bonheur sur l’eau. Mais nous sommes
infiniment petits et fragiles sur cette immensité. Il y a un côté de moi qui
apprécie ce sentiment de liberté, mais un autre qui craint toujours pour ses
petites filles…
Le temps passe lentement. Daphné me demande régulièrement le
temps qu’il reste à la navigation. On dirait que la vie s’arrête. Florane vient
nous rejoindre et on commence à jouer aux devinettes. Il faut bien s’occuper
pour que le temps avance un peu. Au loin, une petite ile se dessine. Conception
Island approche doucement de nous… ou c’est plutôt l’inverse!
Notre ligne à pêche se déroule. Avons-nous un poisson? Eric
nous dit tout de suite que non, c’est beaucoup trop léger. Il ne se fera pas
prendre deux fois. La veille, nous étions tous excités que ça morde à l’hameçon…
alors que c’était en fait un gros gros tas d’algues!! Déception!
Eric ramène sa canne à pêche et nous sommes surpris d’y voir
un poisson! Bon, ce n’est pas un mahi-mahi, mais plutôt un petit Bar Jack, mais
il pourra tout de même nous nourrir!
Vers 13 h, on jette l’ancre dans un véritable paradis,
bien heureux de sortir de ces grosses vagues. L’eau est claire et d’un bleu que
nous n’avons encore jamais vu.
Le diner se prend en vitesse et on part en dinghy. On veut
profiter de l’étale pour aller parcourir la mangrove au sud de l’ile. L’entrée
peut être risquée, car elle est remplie de roches et la vague de l’océan s’y
rend. L’étale de la marée haute est donc le meilleur moment pour s’y rendre.
À l’intérieur, l’eau est cristalline. On cherche les
tortues, on a lu qu’il y en avait des tonnes… En voilà une et une autre. On les
suit doucement, mais dès qu’on saute dans l’eau, elles partent comme une fusée.
C’est incroyable la vitesse à laquelle elles peuvent aller.
Un peu plus loin, l’eau prend une teinte verdâtre et les
tortues y sont très nombreuses. On jette l’ancre et on observe les petites
têtes sortir un peu partout. On n’ose toutefois pas nager dans cette eau. On
repart sillonner la mangrove et observer les tortues plus solitaires, mais dans
l’eau transparente. Elles semblent voler dans l’eau. On est maintenant
partagés. La plus belle des créatures, c’est les dauphins ou les tortues?! On
aurait tellement aimé nager avec elles comme à Green Cay, mais ici, elles sont
vraiment trop craintives.
On repart vers notre ancrage à toute vitesse sur la houle de
la mer. Alixia, Daphné et Florane vont jouer sur la plage, alors qu’Eric,
Charline et moi allons plonger. Wow, l’eau est d’une telle clarté qu’on dirait
que nous flottons en apesanteur. La sensation est étrange. Les poissons sont en
abondance et certains sont très gros. Le fait que la pêche soit interdite dans
cette île leur permet d’atteindre une taille impressionnante. Le spectacle pour
nos yeux n’en est qu’agrémenté.
On retourne marcher sur la très longue et belle plage et on
revient en famille sur Perla. Comme on est bien ici. C’est malheureux qu’on
doive se soucier de la météo. Mais on vote pour rester au moins une autre
journée.
Dimanche, on traverse un petit sentier de quelques minutes
qui mène à la plage du côté nord. On enfile masque et tuba et on part découvrir
ce qui se cache sous l’eau… et bien pas grand-chose! Il y a bien quelques
patates de corail et quelques poissons, mais sans plus. Les vagues sont grosses
et le courant assez fort, on retourne donc sur la terre ferme. On marche
jusqu’à l’extrémité de cette plage et on monte sur une paroi rocheuse. Une
corde installée ici en permanence vient aider l’ascension. L’eau bleue et ses
différents dégradés, les patates de corail qui parsèment le fond de l’eau et
ajoutent des teintes verdâtres, nos yeux ne se lassent jamais de ce spectacle.
Ce décor apporte un tel état de bien-être.
On retourne faire la même plongée que la veille, cette fois-ci avec
les 4 filles, mais les poissons ne sont pas au rendez-vous et l’eau n’est plus
si claire avec la vague qui entre dans la baie. Il n’y a pas deux plongées
pareilles, même lorsqu’on retourne exactement au même endroit.
Pour la première fois depuis le début de notre voyage, on se
donne un vrai après-midi de congé. Tout le monde peut décider ce qu’il souhaite
faire. Et on voit tout de suite la personnalité de toute et chacun… Alixia
décide de rester au bateau et s’avancer un peu en mathématique pendant que
Florane fait une petite sieste. Daphné va filmer sur l’île, pendant qu’Eric et
Charline lisent sur la plage. J’accompagne Daphné pour marcher encore et encore
sur ce sable. Eric et moi, on prend même un drink en tête à tête sur la plage.
Comme la vie est belle, on aimerait tant rester ici plus longtemps. Je retourne
marcher avec Charline et Daphné tout en admirant les coquillages que l’on doit
laisser ici.
On retourne sur Perla qui est maintenant tout à l’ordre.
Alixia a décidé de faire un peu de ménage après ses quelques pages en
mathématique. Elle me fait penser à quelqu’un celle-là. (Ma grande sœur Julie!)
On prépare l’apéro pendant qu’Eric tente d’avoir la dernière météo. On prend
conscience à quel point c’est facile et précis avec Internet. De Conception, au
milieu de rien, nous n’avons plus aucune connexion, nous devons prendre les
bulletins météos avec la radio amateur. C’est long… il faut attendre qu’il soit
rendu à la région des Bahamas, et pas très clair. La météo couvre une grande
région, mais au moins ça nous donne la tendance générale.
Nous devrons partir demain, lundi, même si nous serons
encore une fois au près. Il y a de forts vents annoncés dès mardi en fin de
journée et bien que nous resterions ici pour toujours… nous aimons mieux ne pas
être à l’ancre dans cette baie qui offre une protection sommaire.
En soirée, nos 4 filles dansent sur le pont. Après une telle
journée, elles ont toutes retrouvé leur légèreté. Elles étaient comme ça durant
notre passage dans les écluses... Et chaque soir, elles dansaient sur le pont. Eric et moi
admirons le spectacle. On est bien heureux qu’elles retrouvent cet état d’être.
La nuit n’est pas aussi paisible que la journée. Le vend du
sud-ouest fait entrer la vague dans la baie et tout bouge sur Perla. Vers 1 h
du matin, une averse nous réveille à nouveau, avec les vents qui augmentent de
façon soudaine. Par chance, ça ne dure pas. On retourne dans notre lit, mais le
sommeil revient difficilement.
Le jour se lève avec des vents beaucoup plus soutenus que ce
que nous croyions. Après une dernière écoute de la météo, on lève l’ancre à 7 h 30.
Le ciel est bleu, mais la mer n’est pas calme. 8 h, on mange déjà du
pop-corn. L’équipage de La Smala nous a donné ce truc contre le mal de mer. On
pense à eux qui ont fait 8 jours au près… nous en avons pour environ 8 h,
on devrait être capable de tenir?!
Le plan A est de se rendre à Cat Island, mais il y a aussi
le plan B : George Town et même le C : Calabash Bay à Long Island.
Le plan B et C nous offrirait une navigation plus
confortable avec un vent un peu plus arrière.
Perla gite, les vagues nous atteignent dans le cockpit.
Chaque fois mon esprit dérape. Le capitaine me dit qu’il n’y a aucun danger.
Qu’on peut, oui, aller à George Town, mais qu’il serait vraiment déçu. Bon, le
message est clair, je prends mon mal en patience. Dans ces conditions, je n’ose
même pas être à la barre, je me sens vraiment inutile. Je ne peux que
surveiller les cartes et notre tracé de navigation. Je m’assure que tout le
monde boit et mange. Tout va bien à bord. Charline et Florane se sont rendormies.
Alixia et Daphné restent avec nous à l’extérieur. C’est un copié-collé de notre
navigation vers Conception… sauf que cette fois-ci nous avons 45 milles à
parcourir plutôt que 20 et que les vents sont encore plus forts avec des
rafales plus soutenues. La bonne nouvelle, c’est qu’on avance à près de 7-8
nœuds.
Vers 11 h, Cat Island au loin nous offre une certaine
protection qui fait diminuer la grosseur des vagues. Midi, la ligne à pêche se
déroule. Tout le monde doit rester calme, je n’ai pas envie que personne tombe
à l’eau. On entre le génois pendant qu’Eric tient fermement sa canne à pêche.
On change de cap pour diminuer la vitesse, je laisse aller la bôme… mais malgré
tout, on va vite! Eric réussit à ramener un magnifique mahi-mahi!! Il est là
juste à côté du bateau, mais il tente d’aller derrière. « Cynthia, tourne
à droite et laisse aller la bôme complètement. » Je tourne à droite, mais
avec la roulette du pilote automatique et non pas avec la barre… donc je ne
tourne pas assez et la vitesse remonte à 5 nœuds et clac. Le fil se casse.
Eric se fâche rarement… mais cette fois-là, sans un mot, il
tourne la barre à roue franchement et me dit ensuite : « tu vois le
bateau est à un nœud ». Les colères blanches sont les pires… les colères
sans un mot.
On est tous tellement déçus. Comme Charline le dit si bien,
on le voyait déjà dans notre assiette. Je me sens en effet bien coupable. En
plus de ne pas avoir réussi à barrer dans le gros temps durant l'avant-midi, je n’ai pas réussi à
arrêter le bateau.
En plus avec tout ça, on a rallongé notre route. Il reste
encore un gros 3 heures de navigation. On est tannés, fatigués. Heureusement,
les dauphins viennent nous saluer. 4 beaux dauphins qui naviguent avec Perla et
sautent derrière. Ils nous redonnent le sourire. On s’ancre vers 15 h 30,
épuisés, dans un lieu qui contraste avec notre paradis de la veille. Tout est
en bordel dans le bateau, mais on n’a pas l’énergie de ranger… mais, il faudra
bien en trouver.
Après avoir replacé un peu tout ce qui était tombé pendant
la navigation, on va se dégourdir sur la terre ferme.
Pas de sable blanc, plutôt brun. On verra demain ce que
l’île a à nous offrir.
Cynthia
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Conception Island |
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Daphné et Charline jouent du conche! |
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Magnifique tortue! |
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L'une des plages de Conception Island |
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Clin d'oeil à Luc Bernuy! |
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Salon de coiffure à l'avant du bateau. |
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Un dimanche après-midi bien relaxe! |
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À notre arrivée à Cat Island, Alixia n'a même pas l'air découragé sur la photo!! |
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